De l’horreur à l’honneur

Le Président de la Fédération des buralistes d’Ile-de-France a connu l’horreur : l’horreur de se faire prendre la main dans le sac en train de vendre un poison mortel à un gamin de moins de 16 ans. En effet, celui qui vend des cigarettes à un enfant commet une action hors-la-loi classée comme une horreur. Cette action est d’autant plus horrible qu’elle est commise par le président, représentant l’image d’une profession qui prêche en plus le respect de la loi. Mais il préfère sans doute l’horreur à l’honneur et sacrifier au « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». La presse écrite a relaté cette infraction comme un fait divers, elle est restée très discrète sur la condamnation de ce président de la Fédération des buralistes de l’Ile de France par le Tribunal de Paris le 23 juin 2010.

A Tabac & Liberté, cela nous a indigné et nous a plongé dans l’horreur car cette action met en jeu le pronostic vital de celui qui en est la victime, ô combien innocente.

Quelle n’a pas été notre surprise en parcourant la liste des personnalités décorées de la légion d’honneur de voir que le président de la Confédération des buralistes était sur la liste : il est surprenant de voir une décoration contemporaine attribuée à un marchand d’un produit qui tue la moitié de ses consommateurs. Ce buraliste qui a connu l’horreur de vendre avec bénéfice un produit qui tue vient de connaître l’honneur réservé aux dignitaires d’un « ordre » dans la tradition nobiliaire.

Un buraliste président de fédération des buralistes qui se fait épingler devant huissier en flagrant délit de hors-la-loi : c’est vrai, c’est l’horreur. Un buraliste président de confédération de buralistes à qui on épingle la légion d’honneur : pour nous, c’est l’horreur. Surtout que cette décoration lui a été remise par le Ministre du Budget en personne.

Nous nous interdisons de penser à un quelconque témoignage de reconnaissance envers un acteur d’un commerce criminel créé par les cigarettiers, exécuté par les buralistes, le tout pour le plus grand profit de l’ETAT. Il est en effet utile de rappeler que les bénéfices liés au commerce du tabac se répartissent ainsi : 12% pour les cigarettiers, 8% pour les débitants, 80% pour l’Etat. L’Etat a ainsi, en 2010, empoché 11,84 milliards d’euros, plus le montant des retraites des victimes du tabagisme : un fumeur sur deux meurt avant 65 ans. Nous replongeons dans l’horreur !

Mais grâce à cela, l’Etat peut verser à ses fidèles cotisants non fumeurs la retraite qu’ils ont méritée, ce qui, convenons-en, est une attitude honorable. Nous revoici dans l’honneur.

A Tabac & Liberté, nous ne pensions pas qu’honneur et horreur pouvaient être à ce point voisins. L’Etat reste souverain mais le citoyen reste libre et à la suite de Stéphane Hessel qui vient de publier un opuscule dont le titre est « Indignez-vous », à notre tour nous nous indignons devant ces mélanges mortels de fric, dépendance, honneur et horreur.

Nous gardons toutefois espoir que parmi les 3 800 membres de notre réseau, il y en aura bien un qui, un jour se fera épingler en flagrant délit de prévention soit auprès des jeunes, que nous rencontrons régulièrement dans les lycées et collèges, soit auprès des salariés que nous suivons en entreprise. S’il n’a pas la médaille d’honneur, il aura toujours la satisfaction de l’honneur de la prévention accomplie.

La prévention aussi c’est de l’honneur, de l’honneur sans horreur.

Toxicologue Docteur en Médecine, en Pharmacie, Ingénieur des Sciences Président de Tabac & Liberté, Toulouse, France