Femme et tabagisme

Une fille branchée ?Cette rubrique est justifiée par l’accroissement du tabagisme féminin. Pendant longtemps le tabac a été l’apanage des hommes. Aujourd’hui les femmes fument autant que les hommes et les jeunes filles plus que les jeunes garçons.

Certains sont allés jusqu’à dire « la femme, la plus belle conquête du tabac ». Les cigarettiers en ont profité pour donner à la cigarette un symbole d’accession à la liberté, à la maturité, à la responsabilité et faire des femmes les « victimes innocentes et inconscientes de leurs manipulations ». On peut parler de véritable catastrophe sanitaire. « Le fait que les femmes soient de plus en plus nombreuses à fumer et qu’elles fument de plus en plus est un échec des politiques de santé publique » (Peter Boyle) à moins que cela ne soit de la part des politiques une tolérance cynique des manipulations des cigarettiers.

Âge moyen de la 1ere cigarette : 11 ans et 2 mois 
(Enquête IPSOS/Fédération française de cardiologie)

L’adolescente fumeuse

Cette période correspond à un bouleversement biologique et psychologique.

Le tabagisme est alors organisé par le marketing des cigarettiers. La santé chez le jeune n’est pas vécue comme un capital à préserver pour le futur mais comme un bien actuel (« ici et maintenant », « je sais que ce n’est pas bon mais on verra »).

La cigarette masque les inquiétudes liées au poids (57% des filles veulent maigrir).

La cigarette favorise l’acceptation par le groupe de pairs (rite initiatique). De 15 à 19 ans, 58% des filles fument (vs 52% des garçons).

Tabac – Pilule : « BOUM »

Le tabagisme est la cause de désordres vasculaires (accidents vasculaires…). Les pilules oestroprogestatives entraînent des troubles vasculaires.

Une femme qui fume et qui suit une contraception à base d’œstrogènes multiplie par 40 le risque d’accident vasculaire cérébral et par 4 à 10 les risques d’infarctus. Elle s’expose aussi aux risques de phlébite et d’embolie pulmonaire mortelle.

(Susan S. Jick et coll: Risk of non-fatal venous thromboembolism in women using oral contraceptives containing drospirenone compared with women using oral contraceptives containing levonorgestrel:case-control study using United States claims data/BMJ 2011)

La femme fumeuse

En 2008, 36% des femmes fumaient avant le début de leur grossesse et 22% d’entre elles ont continué de fumer pendant tout ou partie de leur grossesse.. La femme fumeuse encourt les mêmes risques que l’homme fumeur avec en plus les spécificités liées à son sexe (Grossesse et tabagisme, Droits des Non Fumeurs, mai 2011).

La cigarette est la première des causes toxiques qui affectent la fécondité. La fécondité chez la femme fumeuse est diminuée d’environ 50% (Droits des Non Fumeurs, Grossesse et tabac, dossier de presse lundi 30 mai 2011).

La procréation médicalement assistée (transfert d’embryons chez les fumeuses) voit son taux d’échec augmenté chez les fumeuses.

Lors des protocoles de FIV (fécondation in vitro) les chances de réimplantation sont diminuées de moitié chez la femme fumeuse par rapport à celle non fumeuse (6,7% chez les fumeuses, 16,4% chez les non fumeuses).

De plus les filles non fumeuses mais dont la mère était fumeuse, à l’âge adulte, auront une fécondité plus faible.

La conception chez une fumeuse est retardée d’au moins 6 mois en moyenne et ce retard est dose-dépendant. Les fumeuses mettent deux fois plus de temps à être enceintes que les non fumeuses. Mais cette réduction de fertilité est réversible. Tout rentre dans l’ordre après l’arrêt du tabagisme.

Le cancer du col, le cancer du sein et le cancer ovarien présentent une augmentation de fréquence chez la femme qui fume. Pour le cancer du sein le risque est maximum lorsqu’il est lié à une initiation au tabagisme lors de la puberté, c’est-à-dire lors du développement des seins (Fiche repère Cancers et tabac chez les femmes, Institut National de Cancer).

La femme enceinte

La fumée de tabac est nocive pour la mère et le fœtus à cause de ses propriétés antioestrogéniques, androgéniques, neurotoxiques, hypoxémiantes, carcinogènes et mutagènes.

On a constaté scientifiquement une augmentation de fréquence :

  • des avortements spontanés (x2)
  • des grossesses extra-utérines (risque relatif 1.5 pour 10 cigarettes/j à 5 pour 30 cigarettes/j)
  • des hématomes retro-placentaires
  • de la mortalité in utéro (7,5% des morts in utéro sont dus au tabac)
  • de la mortalité néo-natale (4% des morts néo-natales sont dus au tabac)
  • du retard de croissance (taille et poids : moins 100g pour 5 cigarettes/j à moins 450g pour 20 cigarettes/j)
  • de prématuré (x2)
  • de placenta proévia
  • des anomalies congénitales (fentes orales, malformations cardiaques…) augmentées de 5% chez les fumeuses

(La grossesse et le tabac, Michel Delcroix, Que sais-je? éditions PUF 2002)

Pour plus d’informations sur les enjeux d’une grossesse sans tabac, rendez-vous sur le site Internet www.grossessesanstabac.fr.

Conduites à tenir

L’arrêt total du tabac devrait être acquis avant la conception. La femme enceinte doit être prise en charge par des professionnels de santé formés au sevrage tabagique (tabacologues).

L’analyseur de CO dans l’air expiré permet d’évaluer le degré d’intoxication tabagique et aide la mère à apprécier les risques qu’elle encourt et surtout à objectiver les progrès réalisés lors du sevrage.

Les approches psychologiques et comportementales sont utiles et optimisent les résultats.
Le traitement nicotinique substitutif doit être recommandé si le traitement psychologique échoue (TCC).

Le dosage de la substitution sera suffisant et tiendra compte de l’accélération du métabolisme de la nicotine chez la femme enceinte (initier le traitement avec des doses élevées).

L’arrêt du tabac est toujours bénéfique.