Vieux comme Mathusalem

Mathusalem était l’arrière petit-fils de Caïn et le grand-père de Noé. Il est célèbre pour être la personne la plus âgée mentionnée dans l’Ancien testament. Il reste le symbole admiré de la longévité et aussi le symbole des amateurs de champagne pour lesquels le Mathusalem (6 l) est mieux que le Jéroboam (3 l) ou que le magnum (1,5 l), tous au-dessus de la bouteille dite champenoise (0,75 l).

Le vrai Mathusalem aurait vécu 969 ans, bien plus que feu Jeanne CALMENT (notre Jeanne reste doyenne recordwoman française et toujours célèbre) qui n’a vécu que 122 ans 5 jours et 4 mois. Alors nous nous surprenons à rêver devant ces longues destinées. Nombreux sont ceux en effet qui veulent devenir de plus en plus vieux, mais aussi en gardant toutes leurs facultés. Devant les faiblesses liées à la vieillesse, De Gaulle s’était écrié « la vieillesse : quel naufrage ». Il l’avait pourtant abordée dans des conditions physiques, intellectuelles et matérielles relativement confortables. Nos séniors d’aujourd’hui sont, il est vrai, en grande forme : ils voyagent, font du golf, recomposent des familles, fréquentent théâtres et restaurants, etc…. Ces séniors sont ceux qui arrivent au-delà de l’âge de la retraite. En ce qui concerne les fumeurs, la moitié d’entre eux a été éliminée avant 65 ans. Ils auront « profité » de leur vie de salarié active et de leur tabac mais à cause de leur tabagisme ils seront décédés avant 65 ans. L’autre moitié des fumeurs va pouvoir avancer en âge et sinon être des Jeanne Calment, au moins grossir le rang des séniors et profiter de leur retraite plus ou moins chèrement gagnée. Ils vont alors avoir à affronter ce que le grand Charlie appelait le naufrage de la vieillesse ou tout simplement le 3ème ou 4ème âge, avec à son terme le rendez-vous inéluctable, emporté par la Camarde ou soufflé par la Parque.

Ce dernier passage est souvent difficile et redouté. Pourtant l’on se doit de s’y résoudre. « Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret » disait La Fontaine.

Pour certains fumeurs, le tabagisme va apporter le viatique qui efface les difficultés de la transition vie-mort. La peine de mort a été supprimée ainsi que la cigarette qui souvent accompagnait son exécution. Mais le tabac continue à aider certains. En effet, grâce à une hémorragie ischémique ((Sevrage tabagique, n°46, 24 août 2010)), voire sous arachnoïdienne ((Sevrage tabagique, n°46, 24 août 2010)) ou même intracérébrale ((Sevrage tabagique, n°46, 24 août 2010)) induite par le tabagisme, le fumeur va passer de vie à trépas sans avoir à se poser trop de questions. De toute façon, le fumeur a déjà perdu beaucoup de matière grise dans de nombreuses régions cérébrales ((http://www.ncbi.nim.nih.gov/pubmed)). Il est donc détaché de ce que nous appelons des « problèmes », des réflexions philosophiques et des craintes suscitées par le passage de vie à trépas.

Il peut en effet très tôt s’extraire des difficultés liées à la vie matérielle soit par le biais d’une démence précoce ou voire d’un Alzheimer bien établi. Le tabac en effet après une vingtaine d’années de tabagisme bien conduit (2 paquets ou plus par jour) multiplie par 2,7 le risque d’avoir un Alzheimer ((RUSANEN Minna et coll. : Heavy Smoking in Midlife and Long-term Risk of Alzheimer Disease and Vascular Dementia. Archive of Internal Medicine. 2011 ; 171 (4): 333-339. doi :10.1001/archinternmed 2010.393)). Dans un cas comme dans l’autre, le fumeur est détaché de touts liens, de toute contrainte. Il laisse ajuster la conjoncture du trépas par d’autres que lui. C’est devenu un aliéné, libre et sans lien au sens étymologique, un vivant à moitié mort ou un mort à moitié vivant, un pied dans l’au-delà, un pied dans « l’en-de-çi ».

Comme quoi le tabagisme peut parfois aider.

« La mort avait raison. Je voudrais qu’à cet âge
On sortit de la vie ainsi que d’un bouquet
Remerciant son hôte et qu’on fit son paquet ».
A.C.

Toxicologue Docteur en Médecine, en Pharmacie, Ingénieur des Sciences Président de Tabac & Liberté, Toulouse, France