La substitution nicotinique

Ce chapitre « La nicotine » est constitué de 2 pages :

> Page 1 : Qu’est-ce que la nicotine
> Page 2 : La substitution nicotinique (ci-dessous)

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La substitution nicotinique

 

« les gens fument pour la nicotine, mais meurent des goudrons »

C’est sur cette citation du professeur Michael Russell, pionnier dans l’étude de la dépendance au tabac, que reposent les bases de la substitution nicotinique.
C’est en effet ce psychiatre et scientifique sud-africain qui a identifié le rôle de la nicotine, dans les années 1970. Comprenant que cette substance seule présentait peu de risque pour la santé, mais qu’elle était l’un des principaux facteurs de la dépendance, tandis que la fumée était seule responsable de la majorité des maladies liées au tabagisme, il a contribué à la recherche et au développement de traitements de substitution nicotinique pour les fumeurs. Il a aussi démontré que ceux-ci adaptaient leur façon de fumer, pour satisfaire au plus juste leur besoin de nicotine.

Comment se crée la dépendance au tabac ?

Le cerveau humain est naturellement doté de récepteurs de l’Acétylcholine sur lesquels la nicotine peut imiter l’effet de ce neurotransmetteur naturel. La nicotine se fixe sur ces récepteurs, et stimule le système de récompense en leur faisant libérer de la Dopamine (aussi appelée « hormone du plaisir »).

Lorsqu’elle est procurée par la cigarette classique, la nicotine arrive au cerveau de façon massive et rapide, dès les premières bouffées. Inhalée avec la fumée, la nicotine passe dans le sang, puis arrive sous forme de « pics » en 9 à 19 secondes au cerveau. Du fait de ces pics ou « shoots », les récepteurs de l’Acétylcholine (qu’on appellera alors « récepteurs nicotiniques ») augmentent en nombre, ceux-ci réclamant à leur tour leur dose de nicotine.

Une fois devenu fumeur régulier, un niveau moyen de besoin en nicotine s’établit*, et la consommation de tabac fumé devient régulière, pour l’assouvir. Un fumeur a en effet une consommation relativement constante en nombre de cigarettes par jour.

Toujours avec le tabac fumé mais sur un temps court, on constate que la courbe de nicotinémie (concentration de nicotine dans le sang) est irrégulière. Prenant la forme de pics à chaque cigarette, la courbe s’élève alors au dessus du niveau de besoin. Après une cigarette, la nicotine se métabolise (s’élimine) progressivement et rapidement, et la courbe s’infléchit. Une fois la nicotinémie repassée sous le niveau de besoin, c’est le manque qui se fait à nouveau ressentir, appelant une autre cigarette qui permettra de le calmer, et ainsi de suite… (Fig 1)

 
*Le niveau de besoin sera propre à chaque fumeur, et relativement constant. Mais il peut tout de même évoluer, durant sa vie. Il peut aussi augmenter de manière subite, lors d’événements émotionnels (ce qui explique un besoin de fumer plus important, lors de certaines situations de stress, par exemple).

La consommation de tabac fumé installe un cercle vicieux. Chaque cigarette venant satisfaire le besoin d’un coté, mais d’un autre elles provoquent des shoots qui ont pour effet de maintiennent un nombre élevé de récepteurs nicotiniques, ceux-ci provoquant à leur tour le besoin.
(Fig 2)
  
  
 
 

L’auto-titration

Le fumeur sait adapter sa façon de fumer et réguler sa consommation de cigarettes pour satisfaire son besoin en nicotine, et ainsi se protéger de la sensation de manque. Il saura instinctivement allumer une cigarette lorsque nécessaire, tirer plus fortement sur celle-ci, inhaler plus ou moins intensément, profondément et longuement la fumée, pour ajuster son apport. Cela, à chaque moment de la journée, circonstance ou événement de la vie. Par exemple, il fumera plus après une période d’abstinence (le matin, après le réveil, ou après être sorti d’un lieu où il lui est impossible de fumer). Puis il fumera de façon moins intense mais tout de même régulière, une fois sa nicotinémie idéale atteinte, de manière à maintenir cet équilibre « Besoin/Apport ».

Par contre, une fois son besoin de nicotine satisfait, il s’abstiendra naturellement de fumer et ne cherchera pas à l’augmenter plus que nécessaire.
A titre d’exemple, (et hormis pour quelques cas de « gros » fumeurs), on ne sera pas pas tenté d’allumer une nouvelle cigarette, immédiatement après en avoir fumé une. Le fumeur ne trouvera que peu de plaisir, dans cette seconde cigarette, et il est même fort probable qu’il la trouve désagréable, et qu’il ne renouvelle pas l’expérience !

Il s’agit là d’une régulation qui s’opère de manière instinctive, et un processus comparable à celui de la faim et la satiété. Quand on a faim, on mange, et on arrête une fois rassasié.

Ce maintien au plus proche de son niveau de besoin, par le fumeur, s’appelle « l’auto-titration ».
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Les moyens d’apport de nicotine de substitution :

Les substituts nicotiniques

Divers moyens d’apport de nicotine, en substitution à celle apportée par le tabac fumé, ont été développés suite aux travaux du Pr. Russell. Les patchs, permettent un apport régulier de nicotine sur une durée longue, et les substituts oraux (gommes, pastilles, inhalateurs…) peuvent être un complément ponctuel. Mais tous évitent les pics tels que ceux provoqués par les cigarettes de tabac. Le but de ces substituts est donc de satisfaire le besoin de nicotine, mais sans les shoots que procurent les cigarettes classiques, et ils évitent ainsi la multiplication des récepteurs nicotiniques.

La Vape

Le vaporisateur personnel de nicotine s’ajoute depuis quelques années à ces produits vendus en pharmacie. Outre un transfert plus rapide et plus satisfaisant de la nicotine au cerveau que les substituts (mais toujours sans les pics du tabac fumé), il permet à l’ex-fumeur un arrêt du tabac fumé moins brutal et déstabilisant, car conservant certaines de ses habitudes. (Comme l’inhalation d’une vapeur d’aspect proche de la fumée, le throat-hit, ou la gestuelle).
Le vapoteur doit néanmoins l’utiliser durant environ 30 à 45 minutes pour atteindre l’équivalent de l’apport d’une cigarette (par exemple, le matin. Ou après une période prolongée durant laquelle il ne lui est pas possible de vapoter). Ensuite, il maintiendra son taux de nicotinémie par des bouffées plus espacées, mais qui resteront régulières.
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Le sous-dosage

Les informations entendues durant des années sur la nicotine suscitent, aujourd’hui encore, une peur irrationnelle de cette substance. Un sondage réalisé pour l’association SOVAPE en septembre 2019 montre, par exemple, que 80% des français pensent que la nicotine est cancérigène. Il n’en est pourtant rien : « Quant à la nicotine, substance naturellement présente dans le tabac, elle est responsable de la dépendance à la cigarette, mais n’est pas cancérogène » dit d’ailleurs l’INCa (Institut National du Cancer) page 19 de ce guide publié en 2021.
En conséquence de ces fausses croyances ou craintes, beaucoup lient l’objectif d’arrêter le tabac fumé à celui de se débarrasser de la nicotine au plus vite. D’autres accepteront d’y avoir recours, mais en dosage ou sur un temps réduit.

Pourtant, en début d’arrêt du tabac fumé, et avec une compensation suffisante telle que décrite précédemment, les niveaux de nicotine qu’apportent les divers moyens de substitution ne sont pas plus élevés que ceux que s’administrait le fumeur durant ses années de tabagisme.

Chercher à se passer de nicotine trop rapidement peut mener à des situations de manque.

A vouloir se passer totalement, ou trop rapidement de nicotine, le fumeur s’expose alors au risque de craving (désir irrépressible). Il tentera de résister, mais deviendra nerveux et irritable. Le cerveau pourra compenser un temps, mais une telle résistance peut finir par s’épuiser. Le manque peut aussi se cumuler en silence et insidieusement durant une première période. Mais le risque est de finir par le voir se manifester avec une intensité proportionnelle aux efforts de résistance consentis et au niveau d’accumulation de ce manque. (fig 3 B)

La tentation de reprendre une cigarette est alors très forte. Et si on en reprend une, elle en entraîne souvent une seconde…

 

Compensation du sous-dosage par la cigarette

Certains fumeur en tentative d’arrêt, et sous substitution nicotinique insuffisante, gardent (ou reprennent) une consommation partielle de tabac fumé. (Il faut avoir à l’esprit que ça n’est pas la cigarette qui leur manque, mais bien l’apport insuffisant de nicotine qu’ils cherchent à compenser de la sorte). Mais en l’apportant par la cigarette et ses pics, les récepteurs nicotiniques se régénèrent toujours, car sont encore (ou à nouveaux) stimulés. Le niveau de besoin persiste, et le fumeur risque instinctivement de trouver meilleure satisfaction dans la cigarette classique et les shoots qu’elle lui procure, et au final, de privilégier cette dernière.

Le risque de rechute dans le tabagisme, est dans cette situation, important ! (Fig 3 C)

 
A noter : Il faut oublier la légende qui prétend qu’il y aurait danger à fumer, tout en portant un patch ou en usant d’autres substituts nicotiniques. Tout autant que le conseil d’enlever son patch le temps de fumer une cigarette, puis de le remettre une fois celle-ci éteinte. Stopper net l’apport de nicotine d’un timbre transdermique est d’ailleurs illusoire, si on l’enlève quelques minutes, ce dispositif étant conçu pour permettre une vitesse de diffusion transcutanée relativement lente.
Il est ici utile de se rappeler, une nouvelle fois, que si sous substitution nicotinique on ressent encore le besoin de fumer, c’est tout simplement parce que le besoin en nicotine n’est pas pleinement comblé. On peut donc en déduire que la crainte de surdosage qu’on chercherait à éviter en enlevant temporairement le patch n’est pas fondée.
Dans le cadre d’un arrêt du tabac fumé, il est préférable de maintenir et même dans certains cas d’augmenter sa compensation nicotinique afin de ne pas s’exposer au manque, plutôt que de la supprimer temporairement, ce qui n’aboutirait qu’a accentuer ce manque.
 
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Une substitution satisfaisante

Le niveau de sécurité

Les différents moyens de substitution peuvent s’utiliser de façon isolée, mais aussi se combiner ou s’additionner, pour permettre une compensation satisfaisante de nicotine.
Idéalement, cet apport doit être légèrement supérieur au niveau de besoin. En effet, malgré une délivrance plus lissée de la nicotine, la courbe de nicoténémie fluctue, et peut temporairement descendre sous le niveau de satisfaction. Ponctuellement, le niveau de besoin peut aussi augmenter, en cas de survenue d’un épisode de stress.
En visant plus haut, on se maintient à l’écart de la zone de risque. Pour situer ce niveau de nicotinémie idéal, il est atteint lorsque l’on ne ressent plus de sensation de manque, plus d’envie de fumer. (Fig 3 D)

Une baisse progressive

Ce niveau de nicotinémie idéal atteint et maintenu, vos récepteurs ne se régénèrent plus. Leur nombre diminue progressivement, tout comme votre besoin en nicotine pour les satisfaire. En conséquence, vous pourrez réduire graduellement votre substitution nicotinique. C’est alors un cercle vertueux qui s’enclenche. (Fig 3 D)
Attention ! Ce processus de baisse progressive doit s’inscrire dans la durée, et souvent sur plusieurs mois. Il ne faut pas chercher à le précipiter, ni l’arrêter brutalement. Si le fumeur ne ressent plus le besoin de fumer, cela ne signifie pas qu’il est définitivement à l’abri de tout risque de rechute, mais plutôt le signe que le processus de sevrage du tabac se déroule bien. Toute précipitation ou arrêt de cette progression, peut amener au risque de s’exposer à nouveau au manque.

Si celui-ci se faisait ressentir, en cours de ce processus, il vaudra d’ailleurs mieux remonter son degré de substitution.

Il faut enfin garder à l’esprit que ce temps de substitution, sans danger pour la santé, est à comparer aux nombreuses années de tabagisme toxique, auxquelles il permet de mettre fin !

Le sur-dosage

En situation normale, le fumeur sait parfaitement satisfaire son besoin de nicotine, et le maintenir à son niveau de satisfaction, sans le dépasser. (Voir l’Auto-titration plus haut dans cette même page)
Ça n’est que de façon exceptionnelle, qu’il peut lui arriver de le dépasser. (Une soirée prolongée, durant laquelle il fume trop, par exemple). La bouche pâteuse, des nausées ou maux de tête en sont alors les signaux d’alerte. Dès lors, il arrête instinctivement de fumer, et laisse redescendre sa nicotinémie jusqu’à son niveau « de confort ». (Fig 3 E)
 
De la même façon, un ex-fumeur, devenu utilisateur d’autre moyen d’apport de nicotine, devra ré-apprendre à discerner ces signaux et maintenir son niveau de satisfaction. Tout comme pour le fumeur, les signaux d’alerte en cas de dépassement, restent les mêmes.
 

Mais il n’y a pas plus de risque à s’exposer à un surdosage de nicotine,

que ces quelques désagréments passagers !

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Conclusion

C’est bien la cigarette fumée, et les shoots ou pics de nicotine qu’elle procure qui génèrent puis entretiennent un niveau de besoin élevé, et non la seule nicotine.
A l’opposé, un apport de nicotine suffisant, régulier et sans shoots comme le permettent les différents moyens de substitution (et exclusivement ces moyens), atténue progressivement le besoin et permet une sortie du tabac confortable et sans souffrance.


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